Les tribulations institutionnelles
de la Corse de 754 à 1990
par M. Marc Serra
Pour comprendre l’histoire contemporaine de la Corse, il faut remonter aux premières heures de notre ère.
En effet, la Corse fut chrétienne dès le début. La conversion de son premier évêque (nommé par Saint Paul) fit sensation, s’agissant d’un noble romain faisant partie de la suite de Néron.
C’est pourquoi à l’effondrement de l’empire romain, la Corse, devenue littéralement une « res nullius », fut rattachée par le pape à ses premières terres : fait « consacré » en 754 par un traité entre Pépin le Bref et le pape Etienne II venu en Gaule pour le couronner. Deux autres événements y figuraient : l’attribution à la papauté de l’exarchat de Ravenne marquant le début du pouvoir temporel du pape et la création de la fameuse garde Corse pontificale devant perdurer jusqu’à Louis XIV. Ces dispositions furent confirmées par Charlemagne lors de sa visite romaine de 774 et attestées par des bulles.
Puis les siècles passent : la Corse fait toujours partie des Etats papaux, chaque Etat l’exploitant (Aragon – Pise – Gênes – etc. ) devant payer tribut et reconnaître la suzeraineté pontificale.
1769 : que d’énormités dites et redites sur cet accord entre la France et Gênes qui ne pouvait pas vendre la Corse puisqu’elle ne lui appartenait pas. Il y avait seulement cession des droits issus de la vassalité consentie par Rome à Gênes : en quelque sorte, une vente « à réméré ».
C’est si vrai que le 4 Septembre 1769, Mgr Giraud, nonce apostolique, remet à Louis XV lors d’une audience, un mémoire réaffirmant l’appartenance de la Corse au Saint-Siège. Il y était précisé que l’indult pontifical devant être signé pour la nomination des évêques corses ne le serait que si Louis XV, dans cet acte, reconnaissait la validité de cette affirmation. Ce qui fut fait le 14 Mars 1770, après, d’ailleurs, une résistance royale irritée de devoir s’incliner.
Mais Napoléon refusa de reconnaître ces droits. Aussi le 14 Juin 1818, au congrès de Vienne, le cardinal Consalvi, délégué du pape, renouvelle son énergique protestation du début de ce congrès, contre cette annexion illégale, protestation reprise par Pie VII le 4 septembre 1818 lors d’un consistoire.
Simple curiosité historique sans effet sur l’histoire ultérieure de l’île ? Non, car si la prescription civile d’un bien accaparé sans titre est de 30 ans en droit international, cette même prescription est de 100 ans pleins suivant la dernière protestation officielle de l’Etat spolié. Le début de cette prescription partant du 04/09/1818 pour la Corse, elle ne peut donc être considérée, en droit international, comme partie intégrante de la France qu’à partir du 1er janvier 1920. C’est pourquoi, craignant qu’avant cette dernière date le Vatican n’élève une nouvelle protestation repoussant ce délai jusqu’en 2017, la France entama avec celui-ci des conversations aboutissant en 1906 à un accord où le pape s’engageait à ne pas lever cette option : en conséquence la prescription acquisitive expira bien le 31/12/1919.
Evénements expliquant, entre autres, les arrêtés Miot. Ce n’est pas par bonté que la France ne percevait pas certains impôts, notamment indirects, mais parce que la question se posait, en droit international, de sa faculté d’appliquer sa fiscalité sur un territoire ne lui appartenant pas…
Aussi, mais personne n’en parle, tourna-t-elle la difficulté en frappant la Corse (arrêté impérial du 24/04/1811) d’un impôt territorial unique en France très lourd : 30 000 francs de l’époque augmenté de 2% chaque année plus un doublement des centimes additionnels, impôt payé jusqu’en 1818 et dont le rendement sur ces 105 ans dépassa largement le total payé par la Corse, si elle avait été soumise au droit commun.
Les arrêtés Miot ont été faits contre la Corse et non pour ce que relèvent, en 1983, de St-Pulgent, envoyé de Mitterrand, et Y. Le Bomin, président du Conseil Economique et Social, dans « Vraies fausses exonérations corses », paru le 8 mai 1990.
Le même procédé a été utilisé pour les exonérations actuelles dont nous « bénéficions ». Leur montant total est couvert par des impôts nouveaux prélevés sur la seule Corse à partir de 1963 (art. 95-I-loi finances) et 1968 (art. 20-V-loi finances). Elles ne coûtent donc rien à la France, mais constituent un fardeau fiscal supplémentaire pour notre île car, là aussi, le montant de ces nouveaux impôts dépasse largement ce que nous devrions payer sans ces « exonérations » accordées « pour compenser le handicap de l’insularité » (art. 20-I).
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